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| Sujet: Comment des rats ont apprivoisé un poison... Mer 8 Avr 2009 - 12:22 | |
| Bonjour, Les bouleversements climatiques de la déglaciation d'il y'a 10 000 ans ont provoqués des perturbations environnementales... De nombreuses espèces ont disparues... d'autres se sont adaptés à leur nouvel environnement. Voici le résultat d'une étude qui parle de l'adaptation d'un rat endémique au sud ouest des Etats Unis... qui a faillit disparaitre avec la raréfaction de son aliment unique et qui a dû alors s'adapter à une nouvelle source de nourriture pour survivre. http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/genetique-1/d/comment-des-rats-ont-apprivoise-un-poison_18870/#xtor=RSS-8 - Citation :
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Comment des rats ont apprivoisé un poison...Par Jean Etienne, Futura-Sciences
Le retour à un climat tempéré après la dernière glaciation a modifié fondamentalement la flore du sud-ouest des Etats-Unis, faisant disparaître les genévriers dont une espèce de rat endémique se nourrissait. Une rapide modification génétique leur a permis de se nourrir de créosotiers, qui étaient pourtant toxiques pour eux.
Il y a 18.700 ans, les glaces qui envahissaient une bonne partie de l’hémisphère nord se sont mises à reculer pour atteindre, voici dix mille ans environ, leur niveau actuel. Si ce phénomène a permis l’émergence de plusieurs civilisations, il s’est aussi montré destructeur dans plusieurs zones équatoriales. Ainsi, le sud-ouest du territoire correspondant aujourd’hui aux Etats-Unis, alors tempéré et recouvert de végétation, s’est réchauffé, asséché et désertifié. Il est connu aujourd’hui sous le nom de désert de Mojave.
Privées de nourriture, de nombreuses espèces ont disparu tandis que d’autres, mieux adaptées au désert, occupaient le territoire. Un rat endémique, le packrat, ou woodrat, (genre Neotoma), semblait condamné à disparaître en même temps que les genévriers dont ils se nourrissaient exclusivement. Tel n’a pourtant pas été le cas. Une modification génétique leur a permis de s’alimenter de ce qui leur restait, un créosotier (Larrea tridentata), pourtant toxiques pour leur organisme.
Cet arbuste de la famille des Zygophyllaceae, d’une taille de un à trois mètres, toujours vert, est très répandu dans les déserts du sud-ouest des Etats-Unis ainsi que du sud du Mexique. Il fleurit presque en permanence, mais répand une odeur désagréable caractéristique de la créosote, qui lui a donné non nom. Ses feuilles sont recouvertes d’une résine toxique qui peut constituer jusqu’à 24 % de leurs poids, dont le rôle est vraisemblablement de fournir un moyen de défense contre les herbivores.
La créosote (C24H16O4) est une huile produite naturellement par certaines plantes, qui se retrouve aussi dans le bois et même dans la houille. Elle se manifeste sous la forme d’une croûte brunâtre se déposant sur les parois des cheminées lors de la combustion incomplète du bois. Extrêmement combustible (son potentiel énergétique est plus élevé que celui du bois), elle est la cause principale des feux de cheminées. Elle a été utilisée aussi bien comme enduit protecteur du bois que comme médicament (laxatif, antitussif et désinfectant), et même comme antidouleur à usage dentaire à partir de 1833 (Eau Odontalgique du Docteur O'Méara vendue pendant plus d'un siècle). L'usage de créosote a finalement été interdit dans de nombreux cas (intérieur de locaux notamment) en raison de son pouvoir cancérigène.
Les biologistes de l’université de l’Utah ont cherché à comprendre comment le packrat a pu s'adapter à cette nouvelle nourriture. Denise Dearing, qui publie ses résultats dans la revue Molecular Ecology, a comparé l’évolution génétique de groupes de huit spécimens de packrats prélevés dans deux zones distinctes, et qui se nourrissaient soit de genévriers, soit de créosotiers.
« Nous avons identifié 24 gènes candidats qui peuvent expliquer comment ces animaux en sont arrivés à pouvoir manger de la créosote sans en souffrir, précise la chercheuse. Le réchauffement climatique, en produisant du CO2, peut augmenter le taux de toxines, faites d’atomes de carbone, dans les plantes. Comprendre comment une espèce a pu s’adapter à une toxicité grâce à ces gènes de biotransformation pourrait nous aider à trouver la voie d’enzymes qui pourraient diversifier les sources de nourriture des animaux d’élevage. »
Une histoire empoisonnée
La consommation des plantes par les humains est sûre grâce à l’agriculture, qui élimine les toxines des végétaux dont nous nous nourrissons, rappelle Denise Dearing. Les hommes se sont progressivement et génétiquement adaptés, comme les packrats, à certaines modifications de leur régime alimentaire. Ainsi, les populations habituées à consommer d’importantes quantités de nourriture au taux élevé d’amidon, comme les pommes de terre, le riz, certaines graines en Europe et au Japon, ont acquis des gènes supplémentaires producteurs d’enzymes capables d’assimiler cette substance.
Les animaux aussi sont exposés aux risques alimentaires et doivent s'adapter, par le leur comportement ou par leurs gènes. « La consommation de végétaux par les herbivores n’est pas sans danger, car la plupart des plantes développent des toxines pour éviter d’être mangées », précise Denise Dearing.
La manière dont les vertébrés herbivores apprennent à neutraliser ces toxines reste cependant peu connue. Jusqu’à l’arrivée des techniques d’analyse génétique les plus récentes, il n’était possible d’observer qu’une, deux ou trois enzymes à la fois. Dans ce domaine, la majorité de la recherche a été effectuée sur des insectes se nourrissant des mêmes plantes que l’Homme.
Pour la nouvelle expérience, deux groupes de huit packrats ont été étudiés, l’un provenant de Mojave et s’alimentant habituellement de créosotiers, l’autre de l’Utah, ayant conservé une alimentation ancestrale de genévriers. Chaque groupe a été nourri d’une pâtée pour lapins traitée avec de la résine de créosotier ou avec des feuilles de genévrier. Durant l’essai, un échantillon de 40.000 gènes de chaque animal a été analysé au moyen d’une puce ADN capable de déterminer en temps réel lesquels s’activent.
Chez les rats de laboratoire, 224 gènes de désintoxication avaient déjà été identifiés de cette manière, ce qui a permis de valider la technique. Appliquée aux packrats, elle a permis de déterminer que lorsqu’elles étaient alimentées aux feuilles de genévrier, l’expression des gènes des deux populations se différenciait peu. Mais lorsqu’elles ont consommé de la créosote, une nette différence est apparue, qui a immédiatement mis en évidence l’activation de 24 nouveaux gènes de désintoxication, beaucoup plus actifs dans les spécimens de Mojave que dans ceux de l’Utah.
« A présent que nous connaissons ces 24 gènes, nous devons encore identifier ceux qui sont les plus importants dans le processus de désintoxication de la créosote », rapporte Denise Dearing. Car cette défense est loin d'être parfaite. « Même pour les packrats, les feuilles de créosotier restent légèrement toxiques, car l’adaptation ne paraît pas encore complète. Quand ils en sont réduits à ne manger que cela en hiver, ils perdent du poids et se rattrapent en été, quand ils peuvent aussi manger de l’herbe et des yuccas. | |
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